Header image ANTOINE TUDAL  
 
 

L'aiguillage

Contacté par la C.G.T pour réaliser un court-métrage sur la Réparation Navale et ses difficultés à Marseille, j'écrivis un scénario mettant en parallèle les statuts des employés de la S.N.C.F. et celui des travailleurs de la Réparation Navale.
Ce film était destiné à provoquer des réflexions au cours de réunions organisées pour faire avancer des idées nouvelles concernant l'avenir de cette grande entreprise.
J'envisageai l'histoire d'un ouvrier qui trouve un beau matin une lettre de licenciement dans sa boîte aux lettres. Il n'ose pas le dire à sa femme, alors que son beau-père conducteur à la S.N.C.F. prend sa retraite à quarante-cinq ans au cours d'une cérémonie conviviale.
Quand le tournage commença sur les chantiers du port, les ouvriers me dirent que mon scénario ne tenait pas debout : un seul licenciement et c'est toute la Réparation Navale qui s'arrêterait !
J'avais aussi prévu qu'au cours de la conduite de son dernier train, le beau-père se trouverait sur une voie unique face à face avec un autre train par suite d'une erreur du centre d'aiguillage. Il me fut rétorqué avec force et fierté que cela ne pouvait en aucun cas se produire.
Il me fallut deux mois pour revoir et monter mon film. Quand il fut terminé, les faits dépassèrent largement mon imagination.
Il y eut plus de trois cents licenciements brutaux à la Réparation Navale, et non seulement deux trains se tamponnèrent de face, mais un autre qui ne s'arrêta pas au terminus défonça le butoir de la gare des voyageurs.
Certitude et Avenir font rarement bon ménage.

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