Pierre Schaeffer, directeur au Service de la Recherche de l'ORTF, a permis à un grand nombre de jeunes réalisateurs de se mettre à l'ouvrage et de faire ainsi éclore des talents qui n'auraient jamais pu se manifester ou beaucoup plus difficilement.
Pour citer deux réussites particulièrement significatives, notons : Les "Shadoks" de Jacques Rouxel et "Les conteurs" d'André Voisin.
Entre 1960 et 1975 le Service de la Recherche constitua un vivier de tout ce que Paris a pu abriter de jeunes talents, que ce soit dans la musique contemporaine ou dans le langage de l'image.
Environ sept cents films furent produits. Tous ces sujets qui allaient de trente secondes à une heure et demie avaient pour objet la découverte ou l'approfondissement de l'expression audio-visuelle sur le contenu, la forme ou le fond.
Il a été donné une jolie définition de cet univers si prolifique : "Une ruche sur un volcan".
Encore une fois, ce fut grâce à Jacques Prévert, à qui Marie-Claire Schaeffer avait proposé un projet, que j'eus accès à ce monde.
Ce projet consistait à utiliser les rushes d'une séance de tournage de cinq heures avec des enfants enfermés dans un espace clos, auxquels des psychologues avaient projeté des images de l'état du monde de l'époque pour voir leurs réactions.
L'expérience avait été désastreuse ( pas pour les enfants mais pour les psychologues qui n'avaient obtenu aucune réaction particulière de leur part ). Cependant, certaines de ces images, grâce à l'élaboration d'une bande son écrite à partir d'un remontage complet, pouvaient être utilisées en leur donnant un tout autre sens.
Je construisis une histoire dans laquelle on réunissait des enfants nés sous terre après la dernière guerre atomique pour leur dire qu' "Un jour ils verraient des arbres"... Et les enfants de répondre : "C'est quoi les arbres ?"
Après avoir découvert que leurs parents avaient gagné la dernière guerre en éliminant le reste de la planète, ces enfants devenaient fous.
Ce court métrage fit une forte impression à Pierre Schaeffer. A l'en croire, depuis Chris Marker, il n'avait rien vu de pareil. Une cause ne restant pas sans effet, quelques jours plus tard, je vis arriver chez moi, Chris Marker en compagnie de Jacques Loiseleux, un ami commun.
Nous passâmes la nuit à faire plus ample connaissance avant qu'il ne reparte pour l'est de la France où il s'occupait de faire tourner des films à des jeunes des cités sur leur vie quotidienne. C'était en 1962, époque à laquelle il eût été bon déjà de s'occuper plus attentivement... de nos enfants.

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